Louange de la main

Publié le 10/04/2020

© David ALLIGNON

Etre confiné, ne veut pas dire se tourner les pouces. Avec nos mains, nous faisons plus et mieux. Avec elles, nous cuisinons, épluchons, pétrissons, bricolons, cousons, jardinons, ne seraient que les pots de fleurs sur notre balcon, ou feuilletons les livres. Il nous faut rendre grâce à nos mains. Nul ne l'a mieux fait que Marcelle Delpastre.


Entre toutes choses je louerai la main. Cinq doigts. Le poing fermé, l'oiseau qui dort, la tête sous l'aile.

Cinq doigts. Le poing qui se déplie comme une aile, la feuille de mai. L'oiseau qui se réveille. La tête, les pattes, le bec. La main vivante. Je te louerai.

La main qui s'ouvre et s'étend vers l'arbre et vers le pain, vers l'ombre et le soleil, et la chaleur du feu.

La main qui est faite pour prendre le pain de la pointe des doigts, le raisin sur la branche, et le creux pour cueillir l'eau entre les pierres.

Tout ce qui se boit, tout ce qui se mange. Et pour porter au corps ce qui va là. Je te louerai.

La main qui est faite pour toucher la terre, pour lever la glève et pour la travailler, pour semer le blé dans les parfums de l'automne. Ma main, je te louerai.

La main qui est faite pour pétrir le pain, l'argile et la chair tendre. Qui sait tenir, qui sait porter.

Qui fait monter le grain de la graine vivante, et le panier des éclisses ; et le plaisir du corps comme une flamme. Qui sait bâtir, qui sait caresser.

Qui sait défendre sa vie, le poing fermé sur le couteau. Et qui s'ouvresur la femme.

La main dure comme la racine, comme la pierre. Et qui connaît chair contre chair la douceur de la femme et la chaleur du sang, la peau humaine.

La main qui arrête le taureau, qui retient le cheval. Et qui  ne garde pas le vent.

La main savante. Qui donne sa forme à l'outil, et qui en fait tout ce qu'il faut. La main puissante sur la vie et la mort. Qui embrasse l'arbre ou bien l'amour.


Marcelle Delpastre, Saumes pagans. Edicions dau Chamin de Sent Jaume