Faire son jour

Publié le 17/04/2020

© Stéphanie Para

Chaque jour est à inventer, comme un compagnon de jeu, unique pour chacun. C’est Pierre-Albert Jourdan qui nous le dit.


Faire son jour comme on dit faire son trou.
Mais pas en s'enterrant. En s'aérant.

Avec des mots, bien sûr, mais aussi avec ce
que le dérapage des mots peut t'apporter
de distance par rapport à eux.
T'éloigner d'une souveraineté suspecte.


Pierre-Albert Jourdan, Le bonjour et l'adieu, Mercure de France.


On peut aussi, comme Jules Supervielle, décider de se recréer chaque matin, avec le mystère qu'offre la nuit.


Encore frissonnant

Sous la peau des ténèbres

Tous les matins je dois

Recomposer un homme

Avec tout ce mélange

De mes jours précédents

Et le peu qui me reste

De mes jours à venir.

Me voici tout entier,

Je vais vers la fenêtre.

Lumière de ce jour,

Je viens du fond des temps,

Respecte avec douceur

Mes minutes obscures,

Épargne encore un peu

Ce que j’ai de nocturne,

D’étoilé en dedans

Et de prêt à mourir

Sous le soleil montant

Qui ne sait que grandir.


Jules Supervielle, La fable du monde, Gallimard.