Faire son jour
Chaque jour est à inventer, comme un compagnon de jeu, unique pour chacun. C’est Pierre-Albert Jourdan qui nous le dit.
Faire son jour comme on dit faire son trou.
Mais pas en s'enterrant. En s'aérant.
Avec des mots, bien sûr, mais aussi avec ce
que le dérapage des mots peut t'apporter
de distance par rapport à eux.
T'éloigner d'une souveraineté suspecte.
Pierre-Albert Jourdan, Le bonjour et l'adieu, Mercure de France.
On peut aussi, comme Jules Supervielle, décider de se recréer chaque matin, avec le mystère qu'offre la nuit.
Encore frissonnant
Sous la peau des ténèbres
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
Je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
Je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j’ai de nocturne,
D’étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.
Jules Supervielle, La fable du monde, Gallimard.