Cousinade en péniche

De n’avoir jamais été très porté sur la famille ne m’empêche pas de reconnaître que l’un de mes oncles, René, a eu une certaine influence sur mon parcours, en inculquant au gamin que j’étais le goût du travail fait avec méthode et minutie : tous deux, en une semaine, nous avions par exemple remis en état de marche un VéloSolex qui n’était qu’un amas de rouille. Sans avoir une ambition similaire, je souhaite offrir un souvenir marquant aux enfants de ma sœur Mireille, dont Cécile est très proche, en particulier parce que sa cousine Marie est née en même temps qu’elle, à quelques jours près. C’est ainsi qu’avec Cécile, Marie, Louis et mon amie Chantal, j’ai songé à former un équipage familial pour une croisière tranquille sur les canaux de Hollande, avec une pénichette de location.

Il semble que j’ai réussi mon coup avec cette péniche des cousins, à en juger par les anecdotes que ces jeunes échangeaient encore entre eux quelques années plus tard. De fait, le trio a vu du pays, a découvert le monde des mariniers et a partagé également de bons moments en marge des adultes, en vélo sur les chemins de halage ou dans les polders, en domptant une escadrille de cerfs-volants pilotables donnée par Jean-Paul-le-musicien, qui s’est un temps lancé dans ce domaine. De leur côté, les grands sont bien lotis en compagnie d’une équipe toujours prête pour la manœuvre et les tâches ménagères, mais qui est presque impossible à rassasier, tant nous faisons face à trois ogres, à midi comme en fin de journée, le plus jeune, Louis, n’étant pas le moins monstrueux. Avec les tablées qu’il y avait sur Chercha-Païs et mon expérience de ce que je désigne comme de la nourriture de cargo, genre pommes de terre grosse louloute, je pensais être à l’abri de ce problème, mais non.


Cécile et Marie (préposée au mât rabattable), sur Huithoorn, notre péniche pour huit jours.

Louis, en attente que le pont se lève et que feu passe au vert.

Chantal.

Aux écluses, il convient de déposer une obole dans le sabot
que l’éclusier tend avec une sorte de canne à pêche.

Cousin et cousines en partance pour une virée en vélo.

Du point de vue de la navigation et pour un ancien du canal du Midi, cette expérience n’est pas très nouvelle, hormis la découverte de panneaux de signalisation plantés au milieu du Loosdercht, un immense étang à plusieurs sorties. Comme nous sommes souvent exposés à des tempêtes, je dois juste apprendre à tenir dans le vent ce navire dépourvu de quille : nous marchons donc fréquemment en crabe, comme ceux qui viennent en face, et chacun se remet dans l’axe le temps de se croiser.





La Hollande, un certain art de vivre, en plus des superbes moulins à vent.

Nous sillonnons de minuscules canaux tortueux, de véritables rivières, comme la Wecht, et de grands axes pour cargos, avec écluses géantes, passant d’horizons déserts à perte de vue à des traversées dans de pittoresques tranchées urbaines, comme celles des cités de Gouda et d’Utrecht, où nous passons la nuit dans un bassin encadré de façades de briques.


Un voilier traditionnel sur le Loosdrecht.

Circuler dans Amsterdam se révèle assez stressant en raison du trafic et du grand nombre de ponts bas, plus ou moins à notre gabarit ; nous voulions nous y promener en prenant du temps, mais la pluie est telle que nous optons pour une visite du musée Van Gogh, que les jeunes ont bien voulu trouver intéressante (je me souviens que lors d’un voyage scolaire, à treize ans peut-être, on nous avait donné le choix entre le Rijkmuseum et l’aéroport de Schiphol et que j’avais énormément déçu mes parents en leur racontant la suite).


Notre passage à Amsterdam.

Ce que l’équipage dans son ensemble apprécie, c’est de choisir un bel endroit, de planter les piquets d’amarrage dans la berge, et de goûter au bonheur d’avoir en fin de journée un chez soi douillet et une table bien garnie, à l’image de ce que fut notre dernière escale, à l’île Meent. Soit dit en passant, Jean-Paul, qui a toujours fait jouer son réseau au bénéfice de Gilbert, a prévu, sur notre itinéraire de retour en voiture, que nous passions à une usine où je dois récupérer à un prix très doux les gros wincheswinch : petit treuil à main servant à raidir les drisses et les écoutes. du bateau de Combronde. Quand nous aurons ramené les cousin-cousines, la prochaine étape, pour Chantal et moi, sera à La Trinité-sur-Mer où mon vieil ami veut nous faire découvrir son nouveau petit trimaran qui file, dit-il, comme une fusée, même sans vent !


Une idée du bonheur sur terre.

Des acharnés de la voile sur l’Amstel.

(juillet 1996)