Qui pilote la brouette ?

Publié le 14/05/2020


Les travailleurs de l'ombre ont été mis en lumière pendant le confinement, mais aujourd'hui on les a déjà oubliés. On ne les voit plus. Quant à les écouter... Certains écrivent. Ouvrier maçon, Thierry Metz fut l'un des plus purs poètes de la fin du XXe siècle. Comme les beaux murs, ses textes ont du fruit : "Sortir de nos paroles, simplement, comme des moineaux pour habiter la langue mère de nos mains".


Une pelle, une pioche. Le manœuvre doit chercher avec ça, faire le tour, se perdre...
Un débutant : voilà ce qu'il est. Sa mémoire n'est qu'un filet d'eau, une source qui ignore le fleuve.
Ses mouvements sont simples : ceux d'un oiseau. Il monte, il descend, il ramasse des brindilles, de la paille, des écorces. Le tout-venant.
Pour cerner le domaine qui s'étend autour de son nom, il lui faut tracer un cercle avec ce qu'on lui donne : de la terre, des décombres, des pierres, des ordres, des morceaux de craie, des attentes, des fatigues...
De quoi méditer un jour. Pas plus.

*

Qui pilote la brouette ?
Moi ?
Ou mon rire ?

*

12 août. - Peu de chose arrive à entrer dans le chantier. Il faut se contenter d'une chanson d'Ahmed, d'une parole d'Antoine, du silence de Rodrigues. De brindilles. De résurgences. Du meilleur.


Thierry Metz, Le journal d'un manœuvre, L'Arpenteur.