Le roi du balata et autres chasseurs de trésors

Avant d'être transfigurée, avec notamment la marina et l'Université des Antilles, pour devenir un quartier huppé de Pointe-à-Pitre -ce que j'ai du mal à me représenter-, la pointe Fouillole était tout à la fois une zone insalubre et un refuge sûr et gratuit où les clochards des mers se sont longtemps trouvés bien. En vertu de quoi j'ai déjà évoqué les lieux à propos du Lucifer d'Henry, du Dolphus de Francis, du Born Free de Patrice.

Nous y avons fait la connaissance d'autres figures, à commencer par le patron d'un voilier en ferro-ciment, côtoyé auparavant à l'anse Mitan. Ce bateau aux formes approximatives, peint d'un rouge éclatant, était baptisé Le roi du Balata, sans modestie aucune, car le roi lui-même y vivait. Le personnage, Roland Thérault pour l'état-civil, largement tatoué, arborait un « tribord » sur son pied droit et un « babord » à l'opposé, et ne demandait qu'à recevoir des visiteurs devant le verre de jus de prune cythère que sa femme servait invariablement. Ce n'était pas désintéressé, car le roi gagnait sa croûte en vendant de petites poupées colorées qu'il confectionnait en balata, une sève de caoutchouc dont il allait faire provision, une fois l'an, au Venezuela. Avant cette semi-retraite, l'homme avait mené une existence hors norme, déjà relatée par Le Toumelin, l'un des pionniers de la circumnavigation, et il ne se privait pas d'en raconter les temps forts. Il y avait du vrai, comme sa traversée en pirogue de Guyane aux Antilles, avec sa femme, à la fin de laquelle, à moitié morts de soif, ils furent recueillis par un cargo ; ou comme cet incendie à bord d'un de ses divers voiliers, où faillit périr leur plus jeune fille. Je voulais bien croire à ses échouages, à ses démâtages et à ses transports de singes, mais lorsqu'il prétendait être un bagnard en fuite gracié par Pompidou, c'était évidemment de l'invention éhontée. Une autre fois, gravement blessé, il aurait été déclaré mort par un médecin ; il se serait réveillé à la morgue et, son acte de décès ayant été signé, le roi du balata aurait mis des années à faire rétablir son identité. Pourquoi pas ? En tous cas, rien n'était trop beau pour faire marcher le commerce !

L'équipage d'Alizé était beaucoup plus plaisant. Je les connaissais de longue date par la littérature maritime, et comme tous ceux qui avaient dévoré les aventures de Néo-Vent, j'avais été attendri par ce couple de gens simples et modestes. D'un côté Pierre, chauffeur de taxi à la santé fragile, marqué, durant un séjour au sanatorium, par la lecture de Slocum, de Gerbault et de Le Toumelin ; parisien et néophyte complet, à la barre d'un bateau de promenade délabré, il fut néanmoins le sixième français à réussir un tour du monde à la voile en solitaire. De l'autre, sa femme Simone qui, pendant les deux ans de l'aventure, doublait ses heures de dactylo pour pouvoir lui envoyer les mandats permettant d'acheter quelques provisions… Quant aux péripéties surmontées, la plus fameuse est celle du naufrage de Néo-Vent, qui avait décidé de couler bas au large de l'Inde : ne pouvant plus faire face avec sa pompe de cale, Pierre entreprit de rassembler tout le bois possible sur la plage arrière pour faire un radeau, avant de constater, ébahi, que le poids de celui-ci avait fait remonter l'étrave et que la voie d'eau était ainsi passée au-dessus de la flottaison !


Donc à l'automne 1977, Pierre et Simone Auboiroux, maintenant en trio car il leur est venu une petite Lélia, étaient à la pointe Fouillole avec leur nouveau bateau, acquis grâce aux droits d'auteur de Seul sur les océans, un des succès de la collection "Mer" des éditions Arthaud. Loin d'être flambant neuf, Alizé causait bien des soucis à la famille et un soir où je parlais de la Guyane avec Pierre, il émit l'idée d'aller y faire un tour : « Quand j'aurai trouvé le magot, je changerai de bateau, parce que l'élevage des taretstaret : mollusque qui creuse des galeries dans les bois immergés., ça me fatigue... » D'ailleurs, il s'échappait le dimanche dans la nature à la recherche d'un trésor caché quelque part sur l'île, dont il pensait avoir la piste. Les jours ouvrables, il tenait le petit magasin d'accastillageaccastillage : ensemble des accessoires de pont. de la famille Lemaire, de vieilles connaissances à lui, puisque les parents avaient sauvé Néo-Vent dans le détroit de Torrès en le remorquant avec leur Diogène : « C'étaient des rigolos, ceux-là, le père, la mère, les cinq enfants, le chien, le chat, le perroquet... » C'est dans cette boutique que nous avons vu le personnage pour la première fois. Alors que nous regardions des manilles, quelqu'un s'est précipité du dehors en criant : « Pierre ! Pierre ! Ton bateau a dérapédéraper : reculer dans le vent quand l'ancre se décroche du fond., il est dans le chenal ! »
-Arrête tes conneries !
Prononcée sur le ton le plus calme du monde, c'était son expression favorite, comme nous l'a ensuite expliqué Simone :
-Quand on a démâté après les Canaries, une nuit, j'ai ouvert le capot pour lui dire qu'on n'avait plus de mât. Et c'est ce qu'il m'a répondu !

La traversée avait sans doute fait souffrir Simone, qui ne semblait pas dans son élément sur un voilier, même au mouillage. Elle tentait de reproduire ce qu'elle aurait fait à terre, dans sa maison, et sa seule concession à l'ambiance tropicale était de vivre en ne portant que ses sous-vêtements. On aurait souri du tableau si elle n'avait pas été aussi naturelle et gentille. Pierre, la modestie même, était décalé, lui aussi ; il parlait par exemple du tableau arrière de son Alizé comme un paysan parlerait du cul de sa jument et il faisait visiter les aménagements du bateau en tournant tout en dérision, avec la gouaille d'un titi. C'était un joyeux luron, dont nous avons découvert l'innocent fantasme en suivant le manège de l'adorable petite Leila, qui patrouillait dans tout le plan d'eau avec un kayak en miniature : de temps à autre, elle revenait vers son père et lui indiquait quelque chose en mettant l'ongle du pouce sur la dernière phalange du petit doigt, ce qui déclenchait diverses réactions, du haussements de sourcils au sifflement admiratif. Pierre l'envoyait observer telle ou telle jeune personne qui bronzait seins nus, et dont il pouvait ainsi imaginer les tétons !

Mon dernier souvenir de Pierre Auboiroux remonte à la veille de mon départ pour Fort-de-France, puis le Venezuela, où Mireille et Cécile, alors en métropole, devaient me rejoindre. Au terme d'une soirée poule-au-pot et frites sur Alizé, Pierre me tend un paquet informe :
-Tiens, j'ai amené ça de France pour un ami de Martinique.
C'était lourd. Plein de lentilles à ce qu'il m'a dit. Je n'ai pas osé poser de question.
Au siècle suivant, j'ai appris que Pierre et Simone coulaient d'heureux vieux jours au pied d'un château cathare et je subodore une histoire de trésor là-dessous...

La pointe Fouillole reste dans ma mémoire pour un autre bateau, inhabité celui-là, et qui n'a jamais parcouru un seul mille en mer. C'était une très grande goélettegoélette : bateau à deux mâts, le plus haut étant à l'arrière. en ferro-ciment qui aurait du être le chef-d’œuvre du chantier Lemaire : nous jetions un œil de son côté chaque fois qu'un cargo passait, car cela tenait du gag tellement ses mâts s'entrecroisaient lorsque le sillage du navire agitait cette coque, moins rigide qu'une pantoufle.

Un dernier mot pour relater l'épisode un peu étrange dont nous avons été témoins pendant notre tentative de sablage de la coque de Dolphus, tirée au sec à la pointe Fouillole. Autour d'une estacade vermoulue, le site abritait une brochette de squatteurs qui vivaient sur des bailles à bout de souffle tout juste bonnes à les préserver de la pluie. Une jeune routarde est arrivée là un lundi soir, sac sur le dos ; elle s'est mise à discuter avec le barbu pas très net du premier bateau amarré et y a passé la nuit, avant de disparaître le lendemain. Bon, rien de très surprenant en ces années de liberté insouciante. Mais quand la donzelle est revenu le soir suivant et qu'elle a entrepris de bavarder avec le gars du deuxième bateau -qui n'était guère plus appétissant-, avant d'entrer avec lui dans la cabine, tout le ponton s'est animé. Le mercredi soir, le troisième de ces clochards était douché et rasé quand elle a fait son apparition. À l'exception du seul traîne-savates qui avait une copine, cette fille a passé tout le monde en revue de la sorte, sans jamais donner la moindre explication. Après qu'elle ait visité le dernier bateau, le ponton a eu la surprise de la voir revenir, non pas pour un entamer un tour de plus, mais pour tenir compagnie, dans sa cabane, au vieux gardien créole qui n'en espérait pas tant. Ceci accompli, elle a disparu pour de bon.

C'est encore au mouillage de la pointe Fouillole, en septembre 1976, à l'époque où la Soufrière menaçait d'exploser, que nous avons aperçu pour la première fois le Saskia de Jacques Boone. Sur le conseil de Pierre Walthert, qui avait accueilli le personnage en Guyane, nous avions commandé quelques mois auparavant Viva Binga, l'ouvrage qui relatait les péripéties à peine croyables vécues par le propriétaire de cet élégant yawlyawl : voilier à deux mâts, le tape-cul étant implanté derrière le safran. et nous étions impatients de le connaître. D'abord planteur de café au Cameroun, puis exploitant minier, forestier et fabriquant de cercueils, ce ch'timi finit par construire un voilier en bois au cœur du pays, avec pour premier défi de le mener à la mer. Transport financé par des visites du bateau, à chaque village. Tarif : « Cinq francs CFA (dix francs CFA pour ceux qui ont des chaussures et une cravate) ». Si bien que pour faire partie de l'élite, on se passe souliers et cravate au bas de l'échelle, avec en prime attaché-case et lunettes de soleil ! Bien vu, pour quelqu'un que se dit « navigateur naïf ». Ensuite, le gouvernement du Cameroun lui propose de devenir amiral de la flotte nationale -à bord de son Binga de moins de dix mètres- pour lancer une expédition de libération de l'archipel de Fernando Po ! Jacques Boone opte plutôt pour le trafic de whisky dans le golfe de Guinée, continuant son périple en se lançant dans l'élevage d'huîtres à Olinda, au Brésil, et la recherche du trésor d'un galion englouti au large de l'île d'Anegada aux Antilles. J'en passe, jusqu'à l'échouage du Binga dans les récifs de la côte au ventvent (au) : du côté du vent, (sous le) vent : à l'opposé du vent. de la Guadeloupe, à l'été 1968 : même Henry Wakelam appelé à la rescousse ne parvient pas à sauver le bateau.


Notre attente prend fin quand Patrice vient nous voir en annexeannexe : petite embarcation pour assurer la liaison entre un voilier et la terre., avec à son bord l'oiseau en question, évidemment adopté par la fine équipe de l'endroit (Born Free, Dolphus et Clitus étaient les trois coques où il toquait le plus volontiers). Nous aurons nous aussi maintes occasions d'accueillir sur Chercha-Païs ce conteur-né, toujours prêt à s'enthousiasmer comme un gamin, tout en ayant l'allure d'un vieux poussin, avec ses rouflaquettes rousses émergeant d'une tignasse à la fois clairsemée et broussailleuse. Mis au courant de mon "vrai" métier, il insistait pour que je relise son prochain livre, intitulé La ficelle de l'ancre, mais il voulait toujours garder encore un peu le manuscrit pour le peaufiner et cela ne s'est pas fait. J'ai seulement appris que la redoutable navigatrice qu'on appelait la grosse Nicole, dont il avait du mal à repousser les assauts amoureux, serait rebaptisée la Bricole... Au lieu de travaux littéraires, j'ai passé des heures plié en deux dans le coqueroncoqueron : compartiment situé aux extrémités d'un bateau, avant ou arrière. arrière de Saskia, pour réparer le pot d'échappement d'un capitaine qui n'avait plus la souplesse de sa jeunesse.


Jacques Boone, le truculent skipper de Saskia.

Parfois, "pépé Boone", comme l'appelaient affectueusement les "jeunes" bourlingueurs, broyait du noir et tout le mouillage s'en réjouissait. En effet, dans ces cas (c'est-à-dire quand ce séducteur impénitent n'avait pas trouvé l'âme sœur du soir), il se consolait d'abord avec une bouteille, avant d'emboucher sa trompette pour se lancer dans des blues à vous fendre l'âme, prélude à des rag-time et à d'autres rythmes bien enlevés. En visite chez l'un ou l'autre, s'il n'avait pas sa trompette sous la main, il savait tirer à peu près les mêmes sons d'un simple entonnoir bourré de papier alu, il fallait le voir pour le croire. Quand j'ai quitté les Antilles, Jacques Boone était en train de s'installer aux Saintes où il avait ouvert une sympathique "Taverne", très couleur locale, bâtie de ses mains.

À mon retour, six ans plus tard, je pensais le retrouver noyé dans le rhum. Mais non, avec l'aide d'une pancarte qui invitait chaque navigateur de passage à monter au moins une pierre jusqu'à son chantier, il avait ensuite édifié deux jolies maisons coloniales entourées de bougainvilliers, où il recevait les vacanciers. Il ne s'était pas fixé aux Saintes par hasard, car ses anciennes amours le taraudaient toujours : son dernier livre relate ainsi la recherche du trésor de la Zélée, enfoui à Terre-de-Haut en 1782, du moins le croyait-il. Jacques Boone a beaucoup creusé, en vain, puis, ses forces déclinant, il s'est mis à la peinture tout en continuant de rédiger ses mémoires. Il est mort en 2008 dans son coin de paradis, souhaitant que ses cendres soient dispersées sur le Pain de Sucre, au-dessus de la mer, des bateaux et de sa "Taverne".

Maurice occupe une place à part parmi les navigateurs que j'ai découverts de façon livresque, avant de les connaître en chair et en os (je passerai sous silence un certain nombre d'entre eux qui se sont révélés imbuvables). Pendant la construction de Chercha-Païs, je suivais ses pérégrinations dans le magazine nautique qui consacrait une rubrique à La Licorne ; en 1970, au début de la vogue du bateau-stop, Maurice s'était initié à la navigation en embarquant pour une traversée Canaries-Antilles, avant d'intégrer l'équipage de ce voilier fameux, en partance pour le Pacifique. Première destination, l'île Cocos du Costa-Rica, c'est-à-dire l'île qui a inspiré R.L. Stevenson, ainsi que des centaines de chercheurs de trésors, dont les quatre de La Licorne.

Je laisse la place à Maurice, qui a consigné ses souvenirs pour les amis : « La végétation est trop dense pour pouvoir se déplacer. Je remonte donc la rivière : d'autres ont pu penser comme moi. C’est un ravin spongieux et par endroits les berges sont presque verticales. Je patauge dans l’eau boueuse. Il y a un trou dans la berge sur le coté. Quand on cherche un trésor on cherche un trou ! Je gratte un peu : le trou s’enfonce dans la berge. J’élargis l’entrée et ne vois rien. Je lance une pierre, c’est profond ! Je rentre vite là dedans tête baissée en rampant, j’ai le palpitant qui monte en flèche, je peux me mettre debout à l’intérieur ! Sans lampe je vois mal, mais au toucher les parois sont lisses, le sol plat… C’est évident, ce trou a été creusé par un homme. Ce n’est pas possible : l’île est déserte ! J’avance lentement à tâtons : du vide sur cinq mètres et la roche au fond… pas le moindre coffre rempli de doublons d’or ! Je ressors tout collant de terre et de boue. Nous découvrirons d’autres trous qui ont été creusés par… des chercheurs de trésor avant nous. » Sans plus de succès, ceux de La Licorne s'emploient ensuite à retrouver le trésor de von Luckner, le dernier corsaire de l'histoire, dont le Seeadler s’échoua sur l'atoll de Mopelia durant la Grande Guerre.

Bientôt, Maurice trace sa propre route, qui croise la nôtre à l’été 1976, à notre retour de Guyane. Nous faisons connaissance d’une façon curieuse, devant Fort-de-France, et cela m’amène à raconter un épisode dont je ne suis pas très fier. Chercha-Païs est donc mouillé en baie des Flamands, passage obligé pour les formalités auprès de l’inamovible monsieur Lebreton, douanier de son état - « ici on est en France ! »-, complétées par un non moins traditionnel grand verre de jus de tamarin au bar subtilement nommé l’Abricotier. Le lendemain matin, tout près de nous, se trouve une coque rouge pompier -elle sera sous peu « bleu estafette de flics »-, avec des sortes de membruresmembrure : pièce de structure transversale de la coque. extérieures. Pendant que Mireille fait des courses en ville (camembert, vraie moutarde, confiture française, etc.), je m’emploie à remplacer les ridoirsridoir : dispositif à vis servant à raidir un hauban. PTT qui ont tenu jusque là notre gréement, et je balance par dessus bord les anciens, tout rouillés. Ce dont j’ai honte maintenant, même en repensant au dépotoir qu’étaient les fonds de l’anse. Raymond, qui est encore avec nous, nous signale, le soir, qu’il a vu le gars d'à côté plonger pour les récupérer et à la première occasion Mireille entame la conversation :
-Salut ! Tu sais, nos vieux ridoirsridoir : dispositif à vis servant à raidir un hauban., on peut te les passer directement...

Je réaliserai bientôt que ce Maurice et celui de l'aventure de La Licorne sont une seule et même personne. Pour l'heure, nous en apprenons davantage sur l'étonnant Taravana que ce type dégingandé mène avec Évelyne, sa compagne et son parfait complément, aussi douce et discrète qu'il est excessif et soupe-au-lait. Intarissable, Maurice est même quelque peu monstrueux du côté de la mémoire : il se souvient de chaque heure de son existence, de tous les noms de lieux et de personnes, de toutes les anecdotes les concernant, jusqu'au temps qu'il faisait… Son voilier n'est pas moins extrême. Taravana était à l'origine une chaloupe de sauvetage, volée sur le Queen Mary, d'où les "membruresmembrure : pièce de structure transversale de la coque. extérieures", renforts destinés à protéger la coque lors de sa mise à l’eau, au flanc du paquebot. Convertie en bateau fluvial, l'embarcation était abandonnée sur le canal du Midi, suite à son incendie. Achetée pour une poignée de figues, munie d'une quille en béton et gréée de deux poteaux télégraphiques haubanés par du câble provenant d'une vieille grue, la chaloupe était devenue en un tour de main un voilier rustique entre tous, dépourvu par exemple du moindre winchwinch : petit treuil à main servant à raidir les drisses et les écoutes.. Pourquoi donc ? Un unique palanpalan : assemblage de poulies et de cordages servant à démultiplier un effort. -à faire suivre à chaque virement de bord- suffit à borderborder : tendre un cordage. un focfoc : voile d'avant triangulaire.… Henry Wakelam n'aurait pas fait mieux ni plus économique et je me souviens d'une grande fête donnée à bord car Maurice et Évelyne venaient d'amortir leur bateau en un seul mois, avec deux charters !

Evelyne et Maurice (plus Raymond à la balancinebalancine : cordage soutenant un espar et permettant d'en régler la hauteur.) sur Taravana,
une ancienne chaloupe de sauvetage volée sur le Queen Mary !

Taravana encalminé en compagnie de Chercha-Païs.

Trois voiliers plus tard, Maurice et Évelyne sillonnent toujours les océans, de préférence là où personne ne va, qu'il s'agisse de hautes latitudes glacées ou de parages infestés de pirates, avec des parenthèses terriennes qui nourrissent leurs racines savoyardes (au moment où j'écris, le duo achève un périple de plusieurs semaines dans l'Himalaya). Leurs deux fils, élevés à bord, sont ingénieurs et, évidemment, bourlingueurs, ce qui a donné lieu aux improbables retrouvailles de trois générations sur un atoll perdu. Cela s'appelle un parcours sans faute ! Depuis quarante ans, nous ne manquons jamais de retrouver l'équipage de Taravana. Tantôt à Sète, sur les chantiers dont Maurice a fait sortir Charivari, puis Fengshui, autres prodiges de recyclage et d'inventivité nautique, et tantôt en montagne pour des crapahuts mémorables, suivis comme il se doit de soirées à avoir mal au ventre de trop rire.

(1976-2017)