Dans le sillage d'Ulysse

Fin janvier, le vent de nord-est s’acharne à nous bloquer à Reggio de Calabre. Après une semaine de rodage, la brise glacée augmente sa vitesse jusqu’à force 8 et amène la neige, qui tombe trente-six heures durant. Claudio affirme que ce n’était jamais arrivé depuis l’hiver 1927-1928 ! Quelle chance… Notre ami calabrais accompagne les équipages de la darsena dans leur attente de jours meilleurs et les soirées d’adieux se succèdent à bord de Haute Claire et de Chercha-Païs, sous forme de matches culinaires, gnocchi contre pommes de terre au lard, minestrone contre galettes de blé ou spaghetti à la crème d’olive contre crêpes farcies.

Enfin, au matin du 2 février, d’émouvantes accolades scellent le départ des deux voiliers sur des routes opposées. Cela commence très bien en ce qui nous concerne, vent portant et génoisgénois : la plus grande des voiles d'avant. tangonné ; chaque seconde de ce moment rare est à savourer, avant que le calme fasse son apparition, ce qui survient pile à l’entrée en mer Ionienne. C’est donc au moteur que nous remontons le long de la "semelle" de la Botte, avec comme jalons un grand port artificiel, tout neuf et abandonné, dont les équipements rouillent avant d’avoir servi, et le cap Colonne, ainsi nommé d’après une colonne grecque isolée, un peu bizarre au voisinage des bâtiments du phare, du radiophare et du sémaphore. Une fois traversé le golfe de Squillace, l’abri du port de Crotone se présente à l’heure du café : c’est une escale calme, comme nous ne pensions plus en trouver. Promenades à terre pour quelques achats et au début de la nuit la météo nous incite à reprendre la mer en direction du "talon" de la Botte, dans de tout petits airs.

Il y a un peu d’agitation tout de même, avec un arraisonnement par une vedette de la douane, car nos feux de route tombés en panne nous font passer pour des trafiquants, avec des manœuvres pour éviter un chalutier à la trajectoire erratique, puis une plate-forme de forage inattendue et pas mal de cargos. Sur ce, la radio annonce du gros temps, le maigre vent tombe et une grosse houle du sud-ouest se lève : au moteur, nous pointons vers l’abri de Santa Maria di Leuca, dont nous n’avons qu’une carte ...postale. La nuit est tombée quand Chercha-Païs se présente devant un grand entonnoir de falaises au fond duquel la mer brise rageusement. Ni lumières ni feux sur le port. Nous approchons à tâtons, pas rassurés, et le fracas des brisants tout proches nous pousse à ressortir. Une seconde tentative n’est pas plus concluante et c’est en repartant au large que nous comprenons, Mireille et moi, que ce port, dévasté lui aussi par les tempêtes récentes, est réduit à un moignon de digue escaladé par la mer… Voiles toujours pendantes, on s’engage alors dans l’Adriatique, vers Otrante, port de pêche tranquille où l’ancre tombe à une heure du matin. La dépression redoutée est allée se perdre en Libye et n’amènera que de la pluie. Plus de deux journées pour gagner une centaine de milles, dont la moitié au moteur, la déprime gagne : que sommes-nous venus faire dans cette galère ?

Le cap est mis sur Corfou le lendemain soir, pour assurer une arrivée de jour, avec le cocktail indigeste d’un bon vent portant, de beaucoup de mer et d’une pluie glaciale. Le vent devient fantasque, la pluie se transforme en neige fondue et la visibilité réduite ajoute du stress dans un secteur mal pavé, qui plus est, à proximité immédiate de l’Albanie -dont les eaux territoriales seraient minées-, un pays alors à éviter à tout prix sous peine de croupir dans un cul de basse-fosse jusqu’à la fin de ses jours. Mi-voile, mi-moteur, nous découvrons tout d’abord Othonoï (Fano), puis Merlera et Corfou, notre première île grecque ; même sous ce ciel sinistre, la mer est d’un beau vert et le peu que nous voyons des montagnes enneigées des Balkans est splendide. À Corfou, le port semble excellent et d’ailleurs une poignée de voiliers hivernent là, trois français, deux anglais et un américain ; il reste une belle place sur la jetée, à quelques coups d’avirons de la terre.


Les montagnes de l’Albanie, vues de Corfou, par delà l’île de Vidho.

Les formalités accomplies, nous nous calfeutrons tous les trois, tant le froid est vif, et la soirée est réduite au strict minimum. La surprise est d’autant plus grande au matin, en poussant le capot, quand se révèlent une ambiance printanière et un environnement idyllique : Corfou, où les demeures de style italien font escorte à l’imposante citadelle, et Vidho, la petite île d’en face avec ses bois et ses maisons traditionnelles sur fond de montagnes albanaises enneigées. Ce temps radieux nous enchante, Cécile déambule toute nue sur le pont, nous ne portons plus de chaussettes et tous les panneaux restent ouverts dans la journée. Nous lions connaissance avec les équipages présents, sur Flâneur, un bateau de Caen, Nicolas et Sylvie, accompagnés du chiot Léon, que Cécile apprécie beaucoup, et Jean, sur Nuts, un bateau minuscule. Ce dernier est un globe-trotter peu banal, qui ne connaît de la France que sa Montagne Noire natale mais qui nous fait voyager des heures durant en mer Rouge, près des sources du Nil, sur le Kilimandjaro ou parmi les îles de l’océan Indien ! La ville, sympathique, animée, colorée et dont les tavernes distillent des senteurs prometteuses, est très touristique, ce qui fait que l’anglais suffit pour échanger avec les autochtones : nous apprécions ainsi la Grèce au premier contact, au travers de la retsina, de la feta, de l’ouzo, du rythme de vie des gens et de leur bonne humeur.

Le sirocco paresseux qui va avec cette douceur nous impose de louvoyer pour continuer vers le sud, mais les manœuvres désormais effectuées en maillot de bain sont un régal. Sur cette route, les bons abris abondent, à l’image de la première escale au programme, Valtou (ou port Livitatza), près du delta de la rivière Kalama ; cadre sauvage, calme absolu, c’est le premier mouillage digne de ce nom que nous pratiquons en Méditerranée. En y pénétrant, nous avons droit à un spectacle fantasmagorique, au loin, au-dessus des marais de la Kalama : une sorte d’ectoplasme gigantesque, mouvant, avec des moirures et toutes les nuances de gris, un étrange ballet aérien et des formes dansantes qui apparaissent, aux jumelles, être le fait de myriades d’oiseaux noirs de grande taille et non de passereaux comme chez nous. Le lendemain, départ à la voile et louvoyagelouvoyage : action de remonter le vent en tirant des bords (en zigzag). un peu plus dur vers Mourtzo, toujours sur le continent, face à la pointe sud de Corfou : le décor, à nouveau enchanteur, est cette fois composé d’un chapelet d’îlots séparés par d’étroits chenaux où se cache un village.

De là, un bord de près serré soigneusement barré à la main nous mène droit à port Laka, à la pointe nord de l’île de Paxos ; mouillés le temps du repas, c’est à regret que nous quittons le cadre de plages blotties entre les rochers, de pins et de cyprès qui environne un petit village à l’ambiance sereine, où des caïques sont à l’ancre. Les bords suivants aboutissent à Gayos, dont la placette de l’église donne sur le port ; c’est la petite capitale de l’île de Paxos, nichée au long du chenal exiguë qui sépare une petite île de la grande, une troisième terre complétant la protection de ce havre. Au village, les gens, qui ne voient passer personne en cette saison, nous font le meilleur accueil.


Mouillage tranquille à Gayos.

Cela se confirme lors de notre première incursion dans le pays, avec cirés et bottes, car la pluie s’est installée. Attentifs aux chants d’oiseaux qui emplissent l’air, nous marchons un moment au milieu de grandes oliveraies qui partent à l’assaut des pentes, entourées de beaux murs de pierre en gradins. Ce paysage bucolique est animé par quelques moutons mérinos, des chèvres, des ânes, des popes et des paysans qui nous saluent de loin.
-Kalimera !
Le chauffeur d’un triporteur, l’engin à tout faire de ces îles, stoppe à notre hauteur et nous croyons comprendre sa proposition :
-Voulez-vous aller jusqu’à Longos ?
D’après la carte, ce n’est pas très loin.
-Ne, faisons-nous en secouant la tête comme pour dire non -ce qui veut dire oui-, pas peu fiers d’avoir saisi cette subtilité de la langue grecque. Serrés dans la benne, on se laisse trimballer au diable vauvert sur des routes tortueuses qui font perdre tout sens de l’orientation. Longos est un bien joli petit port, serti dans les pins et les oliviers. Nous y savourons un café greco (complètement turc, mais jamais les Grecs ne l’admettraient) avant de reprendre la route en sens inverse, pour une rude marche militaire avec Cécile sur les épaules !

Jour après jour, nous grappillons les petits trésors de la mer Ionienne : une anse partagée avec trois barques au sud de Paxos, puis Parga, un site pittoresque du continent, et Phanari, une baie en demi-cercle à l’embouchure de l’Achéron, l’un des fleuves de l’enfer de la mythologie. Le ciel s’est remis au bleu frisquet quand nous descendons vers Levkas, une île à peine séparée du continent par une lagune que traverse un canal. Ces quelques milles de batellerie sont une parenthèse inattendue pendant laquelle on laisse traverser un antique bac à câbles, on croise des barques de chasseurs et on fait coucou aux passagers des autobus. De l’autre côté, au pied des grands reliefs de l’île, c’est à nouveau le printemps, le calme de la mer intérieure et l’enchantement d’un archipel que l’on croirait sorti du pinceau d’un peintre très doué. Cette longue journée prend fin dans une anse accueillante de la grande baie Vlikho.


Un recoin de la baie Vlikho, sur l’île de Levkas.

Départ matinal dans le calme, avant qu’un bref coup de nord nous propulse entre Skorpios et Skorpiti, l’île privée d’Aristote Onassis -cadre de son mariage avec Jackie Kennedy-, et nous accompagne en douceur jusqu’à Meganisi, où nous allons mouiller au fond de la baie de port Atheni. En promenade à terre, nous rencontrons une vieille femme occupée à ramasser des olives près d’un mince troupeau composé d’un bélier, d’une brebis et de leurs deux petits : abandonnant son ouvrage dès qu’elle nous aperçoit, elle se précipite vers Cécile, la couvrant de baisers et de caresses avant de fouiller les poches de ses multiples vêtements pour lui donner cinq drachmes. La honte. Et Cécile, pas émue le moins du monde, entame la conversation sans complexe, contrairement à nous, en imitant les cris des animaux !


Cécile et la bergère.

Dans ce périple entre les îles, nos sillages s’entrecroisent avec ceux d’Ulysse, chaque instant le rappelle : ainsi au nord d’Ithaque, un fort vent d’ouest nous propulse vers Céphalonie et au nord de cette île nous relâchons à Phiscardo, nommée les ports Jumeaux dans l’Odyssée. Excellent abri naturel et petite cité assoupie de quarante âmes peut-être, sans voiture ni téléphone, où trois voiliers hivernent, le seul bateau local en service débordant d’un chargement de bottes de foin. Le soir, nous recevons Bjorn, un journaliste suédois défroqué qui garde deux des voiliers voisins et il nous rend la pareille le lendemain à midi sur Prétentaine, une merveille en chêne et en teck, construite en 1928 à La Rochelle par "tonton" (Fernand) Hervé : 19 mètres au pont, 55 tonnes, tout un programme. Ce n’était pas prévu, mais nous revoyons Bjorn au milieu de la nuit, quand une survente nous fait toucher à la fois le quai à l’arrière, un bateau à l’avant et le fond avec la quille… En fin de manœuvre, nous nous retrouvons tous, Cécile comprise, autour d’une tisane brûlante.


À l’hivernage à Phiscardo, La Grande Goèle, une goélettegoélette : bateau à deux mâts, le plus haut étant à l'arrière. en ferro-ciment qui porte le nom d’un oiseau mythique imaginé par Jacques Perret.

Sans transition, avec de petits zéphyrs de secteur nord et une mer lisse comme un lac, bref de la façon la moins homérique qui soit, nous rallions la verdoyante Ithaque. Nous touchons l’île où Pénélope se languissait d’Ulysse, d’abord au petit port de Kioni, puis à Vathy, la capitale, une grosse bourgade protégée des tempêtes, qui correspond au Phorkys de l’Odyssée. Laissant sur l’arrière cette île mythique, dont les lumières gris-bleu du beau temps revenu caressent les reliefs, Chercha-Païs fait ensuite route vers le continent, pour une escale à l’abri de l’île Petala, dans un décor très sauvage. Aussitôt l’annexeannexe : petite embarcation pour assurer la liaison entre un voilier et la terre. est à l’eau et nous abordons au pied de la falaise de l’île, où une belle grotte s’ouvre à mi-paroi. Nous contemplons le bateau, tout petit au milieu de cet immense mouillage, quand un froissement d’ailes nous fait sursauter : c’est un vautour de belle taille dont le nid est tout proche ; un moment plus tard, la femelle décolle à son tour et ils cerclent de conserve au-dessus de nous. À la nuit, l’ambiance est plus prenante encore : aucune lumière n’est visible et sous la pleine lune le calme absolu n’est troublé que par les piaillements des petits vautours.


Le mouillage sauvage de l’île de Petala.

Aux aurores, nous tentons de continuer vers l’est, mais la pluie, le brouillard, le froid, le clapot, le courant contraire et le vent forcissant ont raison de notre énergie. Nous revenons au mouillage des vautours. Vingt milles pour rien… Le lendemain, avec l’appoint du moteur, nous arrivons à Missolonghi, en fait, au bout d’un chenal de quelques kilomètres tracé dans la lagune, à un grand bassin désert, à l’écart de la ville. Notre seul voisin est un caboteur hors d’âge, abandonné, qui réveille ma fibre de pirate : parti à l’abordage, j’en ramène une collection de pavillons, dont un de l’Arabie saoudite grand comme un drap de lit, des documents nautiques italiens et une quantité de cartes marines défraîchies -il faudra se souvenir de l’adage "à vieille carte, nouvelle épave"-. En revanche, revenu avec les outils adéquats, je m’échine à déboulonner le chadburn de mes rêves, en vain, et aujourd’hui encore, je traîne ce regret…


Le Chadburn tant convoité.

Immobilisés à nouveau sur la route d’Athènes par un vent d’est tempétueux, nous avons le temps de prendre des habitudes chez l’épicier, qui a la tête de Jean Gabin, et chez le boulanger dont le pain est un délice. Le premier jour, par curiosité, nous étions entrés chez le boucher, où aucune viande n’est à l’étalage : l’homme a sorti un morceau du dessous de son comptoir, Mireille a fait un grouin-grouin-grouin interrogatif, et il a répondu en faisant Béééé ! Pas convaincue par la fraîcheur du produit, Mireille a alors fait cot-cot-cot ? et il nous a montré la boutique voisine. On progresse en grec !

Le vent consent à tourner et nous pénétrons enfin dans le golfe de Corinthe en touchant Navpactos, la ville qui a donné son nom à la célèbre bataille navale de Lépante (qui s’est déroulée très loin de là). Un petit port moyenâgeux, ceint de murailles crénelées, s’y ouvre entre deux tours ; au-dessus s’élève une colline boisée où serpentent plusieurs lignes de fortifications. Cependant, l’intérêt de la cité n’est pas à la mesure de son cadre, nous aurons le temps de le déplorer au cours d’une journée de vent contraire assorti de pluie, de grêle et d’orages de neige. À la première occasion, nous nous échappons au moteur pour gagner dans l’est, jusqu’à la modeste île de Trizonia.



L’approche de Navpactos et son port chargé d’histoire..

C’est une charmante escale et un mouillage protégé de partout. Comme le vent s’est levé en grand, nous prenons le temps du repas et d’un petit farniente pour être rassurés sur la bonne tenue de l’ancre. À terre, Cécile est à son affaire sur les sentiers où chèvres et mulets s’ébattent en liberté, et nous goûtons le spectacle de fleurs à profusion et d’arbres couverts de bourgeons. Nous restons peut-être une demi-heure hors de vue du bateau et quand on le revoit, il a dérapédéraper : reculer dans le vent quand l'ancre se décroche du fond. et talonnetalonner : se dit quand la quille d'un bateau heurte le fond. dans les cailloux ! Je galope jusque là, deux criques plus loin, saute à l’eau, nage et grimpe à bord comme si je ne portais pas trois pulls, un jean et des chaussures. Par chance, le bateau semble s’être bloqué au fond avec la quille, apparemment dans de la vase dure, avant que la coque ait touché les rochers ! Je le dégage au moteur et je le réinstalle avec les deux grosses ancres, crevé, gelé, mais ravi qu’on s’en sorte si bien.

Fausse joie, car au moment de coucher Cécile, nous découvrons une mare dans la coursive. On fait de l’eau ! La fuite se trouve sous le moteur et provient sans doute de la nouvelle partie de quille rajoutée à Caen. Rien à faire ce soir-là. On se couche le moral en berne, avant une nuit à se relayer à la pompe, toutes les deux heures. Au matin, je plonge pour découvrir qu’effectivement le fond de la nouvelle quille est mâché et laisse apparaître le grillage que nous avions enduit de résine époxy. Le bateau a du talonnertalonner : se dit quand la quille d'un bateau heurte le fond. un moment sur un rocher avant d’aller dans la vase, qui a colmaté les fuites pour un temps. Nous avons un produit d’étanchéité compatible avec l’eau de mer et j’en badigeonne la blessure, toutefois les dégâts sont trop importants pour que ce soit efficace : l’eau chemine toujours à l’intérieur de la quille pour sourdre par la base en stratifié du bâti moteur.

Nous pensions faire escale à Athènes, plus exactement au Pirée, de l’autre côté du canal de Corinthe, mais c’est maintenant une obligation, pour faire mettre le bateau au sec. Ne pompant plus que toutes les trois heures, nous nous offrons le luxe d’un arrêt dans une crique sauvage baptisée port Andromaque, avant de repartir vers Galaxidi à la voile, la fin du trajet s’incurvant vers le nord. Galaxidi est un endroit aimable, composé d’une calanque, dominée au sud par une belle pinède, et d’un joli bourg typique en face, d’où la vue est belle sur le mont Parnasse. À la suite des manœuvres de mouillage, l’hélice a soufflé de la vase dans les fissures et cette nuit-là nous passons à une séance de pompe toutes les quatre heures. Je plonge à nouveau pour mettre en œuvre la technique ancestrale apprise dans un bouquin de Moitessier, à savoir faire remonter dans les fissures de la sciure de bois sèche, en espérant qu’elle chemine loin avant de se coincer et de gonfler. La marine d’antan avait de la ressource, nous ne pompons plus que deux fois par jour et cela va en s’améliorant ; j’attaque alors l’autre extrémité du problème avec les moyens de l’ère spatiale, chalumeau, acétone et résine époxy. Nous avons réussi à juguler cette voie d’eau avec les moyens du bord, tout est pour le mieux.


Galaxidi.

Deux jours plus tard, partis très tôt sous un ciel bizarrement plombé, par mer calme et très mauvaise visibilité, nous sommes soudain confrontés, à 8 milles de l’entrée du canal de Corinthe, à un violent vent contraire, venu en droite ligne du Sahara à en juger par les bouffées brûlantes qu’il jette à la figure. S’ensuit un louvoyagelouvoyage : action de remonter le vent en tirant des bords (en zigzag). pénible devant le cap Melangari, avant qu’une heure plus tard, toujours aussi brusquement, le vent s’inverse, laissant une mer chaotique sur laquelle il est impossible d’avancer. Puis le calme revient. Sachant que de l’autre côté du canal il n’y a aucun port avant 30 milles, ces bizarreries atmosphériques et la chute du baromètre nous convainquent de relâcher à Corinthe, malgré un port médiocre aux fonds de mauvaise tenue. Au moins sommes-nous à la porte de la mer Égée.

(février-mars 1981)


Un chadburn, rêve de gosse.